L’Association Inter-Cercles de l’ULB (AIC) est née le 13 mai 2015.
Les conditions d’une mobilisation exceptionnelle
Pour comprendre comment ce projet par et pour les cercles a émergé, il faut revenir un an avant sa fondation. En mars-mai 2014, la Commission culturelle (Cocu) constitue un groupe de travail (GT) en vue de modifier sa procédure de reconnaissance des cercles et associations de l’ULB. Ce GT étant un organe informel, sa composition exacte nous est inconnue (1). Mais toujours est-il que celui-ci a pour tâche de créer un cadre de reconnaissance clair, mais le fait sans consulter les associations.
Parallèlement, la nouvelle élue Adjointe du Recteur aux Affaires culturelles invite une 60aine d’associations non-politiques et non-affiliés à l’Association des Cercles Étudiants (ACE) à se rencontrer le 26 novembre 2014. L’objectif est de structurer ensuite ces cercles dans une plate-forme commune, afin d’assurer la transmission des informations de et vers la Cocu et les institutions de l’ULB, et de faciliter les contacts entre les cercles. La gestion de cette plate-forme reste cependant de la compétence de l’Adjointe qui préside les séances et propose l’ordre du jour. Cette initiative appelée d’abord Plate-forme des Associations Socio-Culturelles (PASC) rassemble 13 cercles sociaux et culturels (2).
Quelques jours plus tard, le 4 décembre, le Conseil d’Administration de l’ULB (CA), suivant manifestement l’orientation des propositions du GT de la Cocu, adopte un nouveau règlement pour l’enregistrement des cercles et associations d’étudiants, qui remplace l’ancienne procédure de reconnaissance. Alors qu’auparavant il suffisait des signatures de 20 membres “intéressés” de l’ULB pour créer un cercle et de communiquer la liste et matricule des membres du bureau chaque année, désormais, tout cercle doit :
- pour son premier enregistrement, comporter “l’adhésion de vingt membres au moins de la communauté universitaire, dont 2/3 d’étudiants régulièrement inscrits“,
- être composé “de plus de 2/3 d’étudiants régulièrement inscrits“,
- communiquer chaque année “une liste des membres effectifs de l’association comprenant les matricules“,
- et s’engager à “respecter une ligne graphique et de communication ne créant pas la confusion avec l’Université en tant que personne morale et ne pouvant porter atteinte à son image“.
Le CA et la Cocu décident donc de fait d’alourdir la création d’un cercle, de restreindre leur liberté d’expression, et d’imposer des conditions administratives plus drastiques pour le maintien de la reconnaissance. L’Adjointe, qui est aussi Présidente de la Cocu, a également comme projet de réaliser un cadastre exhaustif des locaux disponibles à l’ULB afin de répartir au mieux les locaux inoccupés, et nécessite à cette fin la collaboration de chacun des cercles (pour qu’iels déclarent qui a quoi). Elle sollicite donc en ce sens les différents cercles officiellement enregistrés par l’ULB courant mars 2015, contribuant indirectement en fait à rappeler à chacun de ceux-ci qu’ils partagent au moins une autre thématique commune.
La convergence des cercles
Le mois de mars 2015 est autrement marqué par une forte mobilisation étudiante, et une prise de position commune des cercles habituellement apolitiques contre les coupes budgétaires dans l’enseignement annoncées par Jean-Claude Marcourt (“Plan pour un Tout Autre Enseignement“), qui reprend les revendications des campagnes Qualité et Refinancement Public de l’Enseignement de 2013-2014. Le climat est donc propice à la politisation des cercles, a fortiori sur des questions touchant à leurs conditions mêmes d’existence.
Plusieurs cercles politiques offrent ainsi de se réunir en Assemblées Générales (AG) pour élaborer collectivement une position et une réponse commune aux nouvelles conditions imposées par l’ULB. De ce travail essentiel, et régulier, porté par les cercles politiques, est née une lettre de contestation adressée directement au CA. Cette lettre est rapidement signée par pas moins de 32 cercles sociaux, politiques et culturels de l’ULB (3), et interroge la pertinence, le champs d’application et l’applicabilité de chacun des points listés. Un point jugé particulièrement dangereux est le fichage induit par le nouveau règlement, pourtant interdit par le droit belge qui protège la vie privée des opinions politiques ou des orientations sexuelles de tout·e citoyen·ne.
Pendant ce temps, le BEA accepte d’ouvrir ses sièges en Cocu à des membres de cercles culturels ou politiques. Celleux-ci y expriment pour la première fois les mêmes préoccupations. Il s’agissait notamment de rectifier que le droit à la critique était garanti, du retrait de la demande d’une liste de l’ensemble des membres effectifs des cercles (avec le numéro de matricule), et qu’il ne faille pas un minimum de 20 membres pour accepter l’enregistrement d’un nouveau cercle. La Cocu concède alors un avis favorable pour réviser le nouveau règlement d’enregistrement lors de sa séance de mars, à la condition qu’une liste de membres puisse être consultée en cas de nécessité, afin de vérifier le taux de 75% d’étudiant·es inscrit·es.
Il fallut néanmoins attendre trois CA de suite avant que les points abordés par la lettre soit enfin abordés par les autorités, et mis à l’ordre du jour du CA. Le Recteur, Didier Viviers, préfère alors mettre en avant ses modifications personnelles, à travers une note reprenant l’avis de la Cocu. Il a par exemple souhaité un minimum de 9 membres comme condition à l’enregistrement d’un nouveau cercle, alors que la lettre des 30 cercles et l’avis de la Cocu demandaient un retour aux 20 signatures de membres de la communauté universitaire. Mais le principal est enfin gagné, le règlement d’enregistrement est modifié grâce à la mobilisation collective !
La longue marche de la reconnaissance
L’autre décision prise au CA ce jour-là, c’est de refuser l’enregistrement de l’AIC. En effet, la multiplication des AG participatives en mars et avril achève de convaincre la majorité des cercles participants de la nécessité de constituer une entité à part entière, radicalement démocratique, qui leur appartiendrait intégralement, et qui viserait à rassembler et défendre les intérêts de toutes les associations de l’ULB de manière permanente, quel que soit leur statut actuel et leur objet social. L’AG du 13 mai 2015 adopte sa charte fondatrice, sa structure de coprésidence, ses statuts, se choisit un nom (R.I.P. l’ACPSC…), élit un comité provisoire, et fonde l’AIC comme association de fait, avec 19 cercles membres (4).
Chargé d’enregistrer la nouvelle association auprès de l’ULB, le nouveau comité élu obtient rapidement un avis favorable lors de la Cocu du 26 juin, malgré une première opposition de sa Présidente. Le 6 juillet, le CA n’est pas réceptif à notre projet, et juge hâtivement que nous ferions “doublon” avec la PlaCE (Plateforme des Cercles Étudiants), dernier nom donné à la PASC toujours pilotée par la Cocu.
Tout l’enjeu de notre reconnaissance comme association légitime d’associations va dès ce moment devoir prendre la forme de notre différentiation active avec la PlaCE, qui s’ouvre désormais aux cercles politiques, entend aussi rassembler les cercles non représentés dans l’ULB, mais qui reste structurellement rattachée à la présidence de la Cocu. L’AIC se veut d’emblée une association représentative des cercles adhérents, par et pour les cercles, tandis que la PlaCE remplis un rôle consultatif, où aucune position commune ne peut être prise, fruit d’une impulsion institutionnelle sans base. Pour autant, et dès l’AG de fondation, les cercles membres de l’AIC ne s’interdisent pas de participer à la PlaCE. Mais celle-ci va suivre un destin en exact port-à-faux avec l’AIC, puisque les cercles vont petit à petit déserter la plate-forme, par manque d’intérêt pour une structure à visée exclusivement instructive, du haut vers le bas, qui ne devient finalement pas le forum d’échanges voulu, mais qui se transforme en un relai communicationnel des institutions culturelles vers les cercles.
Tandis que les réunions de la PlaCE s’espacent, l’AIC organise mensuellement ses AG et élit déjà son premier comité annuel à la rentrée 2015. Nos cercles membres décident en outre d’envoyer désormais un·e représentant·e unique à la PlaCE pour alléger la charge temporelle sur le calendrier des plus petits cercles. La PlaCE se réunit une dernière fois en mars 2016, et ne poursuivra plus sa mission d’information des cercles. De notre côté, notre reconnaissance doit repasser par un avis favorable préliminaire de la Cocu, que nous obtenons (encore), et ce n’est qu’en mai 2016 (!) que le CA se décide enfin à consentir à reconnaître notre existence. Victoire !
En mai 2016, alors que nous élisons notre nouveau comité, que le Recteur de l’ULB change, et que la présidence de la Cocu se renouvelle, la PlaCE est définitivement laissée de côté.
Structuration et ouverture
L’année académique suivante est consacrée à l’élargissement vers de nouveaux cercles, à la structuration de l’association en asbl, ce qui arrive le 7 décembre 2016, et surtout à la quête d’une voix en Cocu en bonne et due forme, au même titre que l’ACE qui détient un vrai pouvoir de participation à part entière dans cette instance décisionnelle. Il faut savoir qu’à cette période, le BEA soutient déjà activement l’AIC depuis ses débuts, et nous laisse officieusement deux sièges de représentant·es en Cocu.
Le lendemain, lors de la réunion de la Cocu du 8 décembre, notre demande d’obtention d’une voix délibérative (donc d’y présenter 1 effectif·ve et 1 suppléant·e) était à l’ordre du jour. La discussion s’oriente initialement sur les raisons d’accorder une voix délibérative plutôt que consultative à une association somme toute jeune, et dont le siège pourrait être occupé par des composantes politiques, et non culturelles. Un autre point d’inquiétude évoqué serait que l’AIC chercherait uniquement à obtenir un subside structurel par ce biais. Après présentation de notre fonctionnement interne, démocratique et égalitaire, la Cocu suggère de nommer toujours au moins une composante culturelle comme représentant·e en séance, mais rend finalement son verdict : un avis positif, et ce à l’unanimité ! En janvier 2017, le nouveau CA suit l’avis de la Cocu et accepte également notre demande, à la condition d’accorder un nouveau siège de Conseillère des Autorités pour les activités sportives, pour ne pas altérer l’équilibre fragile des poids des votes des différents corps. Cet équilibre est toujours celui qui prévaut à ce jour.
Publié le 13 mai 2017.
Dernière mise-à-jour le 29/09/2018.
Notes :
(1 ↩) Il était probablement constitué des principaux cadres exécutif de l’ULB en charge des matières culturelles, c’est-à-dire au moins du Vice-Recteur aux affaires étudiantes, du Conseiller du Recteur pour la politique culturelle, de l’Adjointe du Recteur aux Affaires culturelles et du Directeur du Département des services à la communauté universitaire.
(2 ↩) Les cercles présents étaient : AIESEC, Cercle Antique, CIV, CJMI, CPhi, Elsa, Express, OPAC, RADAR, Salvador Allende, Trait-d’Union Belgique, Turquoise et Librex (car uniquement membre observateur de l’ACE).
(3 ↩) La liste des signataires de la lettre de contestation :
Cercle ULB de l’Union Syndicale Etudiante-‐Jeunes FGTB, Ecolo J ULB, Comac ULB, Etudiants de Gauche Actifs (EGA), Jeunes Anticapitalistes (JAC), Cercle des Etudiants socialistes de l’ULB (ES), Cercle des Etudiants Libéraux de l’ULB (CEL), Cercle Féministe de l’ULB (CF ULB), Oxfam ULB, Cercle Persan (CP), Cercle de Jazz et Musiques Improvisées de l’ULB (CJMI), AIESEC, Cercle Amnesty International ULB, Campus en transition, Cercle Culturel de Philosophie (CPhi), Cercle d’Histoire (CdH), Cercle Homo Etudiant (C.H.E), Cercle des Etudiants Arabo-‐Européens (CEAE), La Turquoise, Cercle du conseil des étudiants guinéens en Belgique (CCEG-‐B), Cercle BISO NA BINO (BINABI), Cercle Impro-‐vocation (CIV), Cercle des Etudiants Entrepreneurs Starters (CEE), Board of European Students of Technology (BEST), European Law Student’ Association (ELSA), Cellule de Droit International Humanitaire (CDIH), Cercle Antispéciste, Cinéphage, Cercle de Musicologie, Organisation et Promotion des Arts et de la Culture (OPAC), Cercle du Libre-‐Examen de l’ULB (Librex).
Avec le soutien de la Délégation FSP [pour Faculté des sciences Sociales et Politiques] et du Bureau des Étudiants Administrateurs [ancien nom du BEA].
(4 ↩) Membres fondateur·rices : USE - Jeunes FGTB, Ecolo J, Cercle féministe, Amnesty, EGA, Comac, Cercle de Jazz, Cinéphage, Cercle de Musicologie, OPAC, Best Brussels, Etudiants socialistes, CEL, CHE, AIESEC, Campus en Transition, Oxfam ULB et CIV.